La Conférence du barreau de Versailles

Daumier Plaidoirie

Parmi les institutions pittoresques du barreau de Versailles, il en est une qui se distingue par le mystère qui l’entoure : la Conférence du stage.

Ses origines se retracent au travers d’une pratique née à Paris sous l’Ancien Régime. Les jeunes avocats y organisaient des conférences d’étude pour débattre ensemble de diverses questions de droit, au titre de leur formation générale. Ces conférences prenaient notamment la forme de procès simulés au cours desquels les participants s’exerçaient à la plaidoirie et à l’art oratoire.

A Versailles, la Conférence du stage fut créée en 1949 sous le bâtonnat de Jean Raoult. C’est aujourd’hui une institution commune à la plupart des grands barreaux français.

Nombre de figures de la profession sont d’anciens Secrétaires de la Conférence. Ainsi, Eric Dupond-Moretti fut Secrétaire de la Conférence du barreau de Lille. Jacques Vergès et Henry Leclerc sont d’anciens Secrétaires de la Conférence de Paris. Jean-Yves Liénard et Hervé Témime furent quant à eux élus à Versailles.

Les Secrétaires de la Conférence ont vocation à remplir un certain nombre de missions. A Versailles, ils bénéficient d’un privilège de désignation au titre des commissions d’office en matière criminelle. De plus, ils représentent leur barreau en France et à l’étranger. Ils doivent également, chacun, déclamer un discours à l’occasion de la Rentrée solennelle du barreau de Versailles. Enfin, ils organisent le Concours de la Conférence afin de désigner leurs successeurs, ainsi que le Concours Albert Joly réservé aux élèves-avocats de l’HEDAC.

Les Secrétaires de la Conférence sont élus à l’issue d’un concours d’éloquence dénommé le Concours de la Conférence.

A Versailles, celui-ci est ouvert à tous les avocats comptant, au plus, cinq années de barre. Aucune limite d’âge n’est cependant fixée.

Il se déroule traditionnellement au Palais de Justice et comporte trois tours de sélection dont les modalités ne sont toutefois pas gravées dans le marbre (ni dans la roche !).

A chacun de ces tours, les candidats sont amenés à déclamer un discours d’une dizaine de minutes. Ils sont, cependant, entièrement libres dans le ton qu’ils insufflent à celui-ci et sont évalués sur leur capacité à convaincre et émouvoir leur auditoire, c’est à dire à faire preuve d’éloquence. Sont valorisées la richesse de la langue, la précision des mots, l’intelligence et l’élégance du discours.

Lors du premier tour, chaque candidat se voit imposer un sujet. Celui-ci peut notamment prendre la forme d’une problématique loufoque (par exemple : Les gros mots doivent-il faire un régime ? ; Faut-il tourner sept fois sa langue dans sa poche ?) ou d’une citation (par exemple : « Les orateurs élèvent la voix lorsqu’ils manquent d’arguments » (Cicéron)).

Le deuxième tour est habituellement organisé sous la forme de procès fictifs à l’occasion desquels les candidats endossent le rôle de procureur ou d’avocat de la défense. Ainsi, Robespierre, le Marquis de Sade ou encore Gérard Depardieu furent jugés dans les chambres correctionnelles du Palais de Justice de Versailles.

Enfin, lors de la finale, les candidats doivent traiter un seul et unique sujet, identique pour tous. « Quand on a fini de plaire, il ne faut pas déplaire » et « Champagne ! » furent par exemple les sujets imposés respectivement en 2017 et 2018.

A l’issue de la finale, puis de leur délibéré (couvert par le secret le plus strict), les Secrétaires de la Conférence désignent leurs trois successeurs. Ce choix est ensuite entériné par le Conseil de l’Ordre.

La Conférence est, en définitive, un lieu d’échanges et de formation privilégié, une école unique de la parole, cette chose étrange qui se moque du temps.

Julien Sacre, Avocat au barreau de Versailles

Références :